Appel de plus de 550 scientifiques et vétérinaires

Paris, Munich, 6 mars 2024 – Dans une lettre commune, 557 chercheurs, experts de la conservation de la nature et de la médecine vétérinaire appellent le président français Emmanuel Macron à mettre fin à la surexploitation des grenouilles en Asie et en Europe du Sud-Est pour satisfaire les habitudes culinaires de l’Union européenne. La France en tant que premier pays consommateur se doit d’initier dans le cadre de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) une protection internationale des espèces de grenouilles les plus commercialisées. Cette lettre est une initiative des ONG françaises Vétérinaires pour la Biodiversité et Robin des Bois et de l’ONG allemande Pro Wildlife. Une demande similaire a été faite par 46 ONG le 25 janvier 2024 auprès de M. Béchu, ministre français de la Transition écologique. Elle est pour l’instant restée sans réponse. “Les Français sont-ils condamnés à être des froggies ? Il est temps de rappeler que les grenouilles sont aussi les auxiliaires bénévoles des agriculteurs. Lorsqu’elles disparaissent, les nuisibles prolifèrent et l’utilisation des pesticides augmente” souligne Charlotte Nithart, présidente de Robin des Bois.

La France est le premier pays consommateur de cuisses de grenouilles
Selon une étude réalisée par Robin des Bois et Pro Wildlife, l’Union européenne importe en moyenne 4070 tonnes de cuisses de grenouilles congelées par an, la France étant le plus gros consommateur avec plus de 3000 tonnes importées chaque année. Les importations annuelles de l’Union européenne équivalent à 80-200 millions de grenouilles selon leurs tailles, dont la grande majorité provient de populations sauvages, en particulier d’Indonésie, de Turquie et d’Albanie. Des cuisses de grenouilles sont également importées du Vietnam; elles proviennent alors d’élevages qui ont également un impact négatif sur les populations de grenouilles sauvages.

Le commerce des cuisses de grenouilles est destructeur
Des études de terrain récentes montrent que plusieurs espèces et populations connaissent déjà un déclin significatif. Les données disponibles indiquent que la grenouille Limnonectes macrodon a disparu des importations commerciales en France. Même des espèces qui étaient parmi les plus communes comme la grenouille mangeuse de crabe (Fejervarya cancrivora) et la grenouille des rizières (Fejervarya limnocharis) sont déjà en déclin en raison des prélèvements commerciaux et des exportations intenses pendant de nombreuses années. Or, les grenouilles jouent un rôle crucial dans le fonctionnement des écosystèmes et les prélèvements continus perturbent ces fonctions.

Alain Moussu, président des Vétérinaires pour la Biodiversité, souligne : “Les vétérinaires ont adhéré massivement à cette initiative car ils sont à la fois sensibles à la cruauté qui règne sur ce marché et préoccupés par les déséquilibres écologiques provoqués par l’effondrement des populations d’amphibiens et les risques que cela entraîne pour la santé humaine en raison de l’augmentation des populations de moustiques.”

La France a une responsabilité particulière
“C’est absurde : les populations sauvages de grenouilles en Europe sont protégées par la législation européenne. Mais l’UE tolère toujours la capture de millions d’animaux dans d’autres pays, même si cela menace les populations de grenouilles de ces pays. Cela n’est pas du tout conforme à la récente stratégie de l’UE en matière de biodiversité”, critique Sandra Altherr, responsable scientifique de Pro Wildlife.

“Les populations de grenouilles originaires de France et de l’Union européenne sont protégées contre l’exploitation commerciale ; l’Union européenne ne devrait plus permettre la surexploitation des espèces et des populations de grenouilles dans les principaux pays fournisseurs puisqu’elle menace non seulement les espèces et les population ciblées, mais aussi leurs écosystèmes respectifs et les services qu’ils rendent à l’humanité”, peut-on lire dans la lettre commune adressée au président Macron. La lettre poursuit : “Nous considérons que la France a une responsabilité particulière. Nous vous prions donc de faire en sorte que le ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires prenne les dispositions nécessaires et défende la conservation des amphibiens lors de la prochaine réunion de la CITES.”

Ce courrier a également été envoyé à M. Berville, Secrétaire d’Etat chargé de la Mer et de la Biodiversité.

Pour plus d’informations :

– Lien vers la lettre des 557 scientifiques : https://robindesbois.org/wp-content/uploads/Lettre-commune-scientifiques-cuisses-grenouilles-1-mars-2024.pdf
– Lien vers la lettre des 46 ONG : https://robindesbois.org/cuisses-de-grenouilles-courrier-de-42-ong-aux-ministres-europeens/
– Rapport “Deadly Dish – role and responsibility of the European Union in the international frogs’ legs trade” (juin 2022, pdf, anglais). https://robindesbois.org/wp-content/uploads/FROGS-LEGS-report-16-June-2022.pdf
– L’Union européenne responsable de l’extinction en cascade des populations de grenouilles (communiqué sur le rapport, juin 2022, français) : https://robindesbois.org/lunion-europeenne-responsable-de-lextinction-en-cascade-des-populations-de-grenouilles/
– Commerce des cuisses de grenouilles : les vétérinaires écrivent au Président Macron https://www.vpbiodiv.com/grenouilles-lettre-president