Les munitions utilisées pour la chasse contiennent des métaux lourds très toxiques, comme le plomb par exemple, qui occasionnent de sérieux dommages sur l’environnement et des risques sanitaires sur la faune sauvage et l’ensemble de la population. En général, la grenaille utilisée est de la grenaille de plomb. Si de la grenaille de bismuth ou d’acier peuvent être employées dans les zones humides, le plomb reste très majoritaire1.
Devenir des munitions dans l’environnement
Chaque année, selon les données de l’industrie citées par l’EChA (l’agence européenne des produits chimiques), 30 000 à 40 000 tonnes de plomb sont utilisées en Europe dans des munitions de types variés. Sur ce total, précise l’EChA, « 21 000 tonnes sont utilisées par les chasseurs. 7 000 tonnes de plomb se retrouvent ainsi dispersées dans les zones humides et 14 000 tonnes sur la terre ferme ». La répartition de cette contamination dans les États membres de l’Union européenne n’est pas connue avec précision, mais la France s’octroie à l’évidence la part du lion : environ un quart des quelque 5,2 millions de chasseurs européens sont français2.
Ce chiffre est cohérent avec l’information donnée par le site « Conservation de la nature » qui fait état d’environ 250 millions de cartouches tirées par les chasseurs sur le territoire français chaque année (une cartouche possède en moyenne 30 g de plomb)³.
Ainsi, dans une étude portant sur les micropolluants présents dans les eaux et les sédiments d’un panel d’étangs du Parc naturel régional de la Forêt d’Orient, la chasse est fortement suspectée d’être responsable d’un excès de nickel et de plomb observé sur certains sites étudiés, les zones les plus polluées étant aussi les plus chassées⁴.
Le plomb n’étant pas biodégradable, la grenaille se délite ou s’oxyde ou est peu à peu érodée ou enfouie, mais elle reste accessible ou biodisponible pendant des décennies, voire des siècles ou des millénaires. En Espagne, pays où la grenaille de plomb est interdite depuis octobre 2001, le delta de l’Ebre (au sud de Barcelone) présente encore en 2014 une densité allant de 97 à 266 grenailles de plomb par mètre carré dans les 20 premiers centimètres de sédiments, rappellent Mateo Soria, de l’institut de recherche sur les ressources cynégétiques de Ciudad Real, et ses collègues⁵. Dans les zones acides, la biodisponibilité et la bioconcentration du plomb peuvent être très aggravées.
Le plomb peut également migrer vers d’autres compartiments environnementaux. Une étude réalisée sur le prélèvement du plomb présent au sein d’un sol ontaminé dans des cultures de fèves et tomates a en effet montré un transfert de ce métal au sein du système racinaire de ces cultures. L’étude n’est malheureusement pas allée jusqu’au stade « fruit » des cultures limitant une évaluation plus poussée des risques⁷. En outre, l’accumulation de grenailles de plomb dans la nature contamine les ressources en eau.
Cette accumulation de plomb dans les différents compartiments du milieu naturel peut engendrer des problèmes sanitaires très importants.
Impact sur la faune sauvage
Les cartouches à grenailles de plomb sont responsables d’intoxications et d’un nombre conséquent de cas de saturnisme aviaire. Selon l’EChA, un à deux millions d’oiseaux meurent chaque année de saturnisme, soit en picorant les grenailles, soit pour les rapaces carnivores, en se nourrissant d’animaux intoxiqués6,8.
Les oiseaux d’eau n’ayant pas de dents recherchent et mangent normalement des petits cailloux arrondis, qui sont stockés dans leur gésier où ils broient les aliments. Ils ingèrent par la même occasion du plomb (ou d’autres métaux lourds toxiques tels que le bismuth). Plus les aliments sont durs, plus ce plomb se solubilise vite.
À titre d’exemple, 6 billes de plomb ingérées avec du maïs le matin sont parfois le soir en totalité déjà solubilisées et passées dans le sang de l’oiseau qui pourra en mourir. Ce plomb est passé dans son sang 20 fois plus vite que s’il avait été ingéré avec des aliments « mous »³.
Il faut savoir que tous les charognards et en particulier les vautours se nourrissent de cadavres. Dans tous les pays, les chasseurs de « grand gibier » ont l’habitude de se débarrasser des parties non comestibles (entrailles en particulier, peau, mais aussi certains os) dans la nature. Ces restes animaux contiennent souvent des quantités non négligeables de minuscules particules de plomb qui se sont dispersées dans tout le corps de l’animal au moment où la balle a explosé (NB : le grand gibier est généralement tué avec des balles dont l’ogive est en plomb et qui explose lors de l’impact. Ce type de munition est interdite pour la guerre par les conventions internationales !). Le risque de saturnisme est très important pour les vautours qui consomment ces restes, ce qui est très fréquent en Espagne, en France… et en Californie.
Le Condor de Californie, second plus grand oiseau du monde, est ainsi menacé de disparition et le saturnisme induit par la chasse semble rester – avec les collisions avec des véhicules ou des lignes électriques – sa première cause de mortalité (chez l’adulte, les jeunes étant artificiellement nourris)³.
Impact sur les hommes
Impact direct chez les consommateurs de « gibier »
De l’animal à l’homme qui le mange, il n’y a qu’un pas, particulièrement rapide à franchir chez les chasseurs qui mitonnent le produit de leur chasse. « De récentes recherches suggèrent que des fragments de plomb se dispersent largement dans les tissus sous forme de particules microscopiques, potentiellement de taille nanométrique, écrit l’EChA. Enlever la chair autour de la blessure ne suffit pas à ôter tout le plomb qui pourrait être absorbé par le consommateur ». Or le plomb est un puissant neurotoxique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la teneur en plomb dans l’eau du robinet a été revue à la baisse par une directive européenne de 1998. Le plomb entrainerait également des effets de type perturbateur endocrinien et serait ainsi responsable d’un allongement du délai nécessaire à la conception des enfants chez les personnes exposées⁹.
Impact indirect sur l’ensemble de la population
Etant donné que le plomb peut également se disperser au sein d’autres compartiments environnementaux tels que l’eau ou les plantes, on peut craindre une contamination de l’ensemble de la population. L’EChA fait d’ailleurs une préconisation simple : « cesser d’utiliser du plomb dans les munitions, au profit d’une autre substance6 ».
Des alternatives possibles ?
Des substituts moins toxiques ou non toxiques existent. La grenaille d’acier semble la solution idéale du point de vue environnemental.
Le 6 octobre 1999, le Conseil National de la Chasse et de la Faune Sauvage (CNCFS) a souhaité que la France prenne des mesures concrètes pour tenir ses engagements de l’Accord sur la Conservation des Oiseaux d’Eau Migrateurs d’Afrique-Eurasie. Ainsi la grenaille de plomb est interdite en France depuis 2005 par un arrêté du 21 mars 2002. Cependant, cette interdiction ne s’applique qu’au gibier d’eau, et non au gros gibier et ne concerne que les zones humides.
Qu’en est-il des substituts « idéaux » au plomb proposés ?
« Les autres métaux comme l’acier sont beaucoup plus durs et légers. Ils ricochent sur le moindre obstacle, ce qui multiplie les risques d’accidents », confirme Willy Schraen. En outre, l’acier est plus pénétrant mais moins létal. Dans les zones humides, où il est interdit d’utiliser des balles en plomb depuis 1986, les chasseurs ont recours à de la grenaille contenant des billes d’acier pour le petit « gibier ». Non seulement il en faut beaucoup dans les munitions pour arriver au même poids, mais l’acier a tendance à blesser les animaux sans les tuer. « On retrouve ainsi beaucoup d’oiseaux agonisants, ce qui n’est pas l’idéal en termes de bien-être animal », affirme très sérieusement Willy Schraen. Dernier inconvénient des munitions légères : elles nécessitent une plus grande charge de poudre, incompatible avec certains modèles de fusils anciens10.
Faut-il donc réellement choisir entre la pollution de l’environnement ou l’agonie lente des animaux ?
Notre demande
Imposer un nombre maximal de cartouches par chasseur et par an pour la grenaille de plomb, et pour la grenaille d’acier dans les zones humides, afin de diminuer la pollution des sols et les blessures causées aux animaux.
Sources
(1) Cinématir – La cartouche de chasse, trucs et astuces (Baudoin) http://cinematir.fr/cartouche-de-chasse-trucs-astuces/
(2) Le Monde – Les munitions au plomb menancent l’environnement et la santé – Stéphane Foucart – 13 septembre 2008 https://www.lemonde.fr/pollution/article/2018/09/13/les-munitions-au-plomb-menacent-l-environnement-et-la-sante_5354269_1652666.html
(3) Conservation nature – Pollutions par les munitions. http://www.conservation-nature.fr/article2.php?id=140
(4) L’étude des micropolluants présents dans les eaux et les sédiments d’un panel d’étangs du Parc naturel régional de la Forêt d’Orient. C GAUTIER – COURRIER SCIENTIFIQUE N 30 – pole-zhi.org
(5) Le chasseur moins exposé au plomb samedi 1er mars 2014 par Alain KALT
(6) L’Echa (European Chemicals Agency) pointe l’impact environnemental des munitions au plomb : risques – 13 septembre 2018 – Laurent Radisson . https://echa.europa.eu/fr/-/echa-identifies-risks-to-terrestrial-environment-from-lead-ammunition
(7) Par Melle Marie CECCHI. DEVENIR DU PLOMB DANS LE SYSTEME SOL-PLANTE : Cas d’un sol contaminé par une usine de recyclage du plomb et de deux plantes potagères (Fève et Tomate). Soutenue le 26 mars 2008
(8) Baron M., 2001. Suppression de l’utilisation de la grenaille de plomb de chasse dans les zones humides exposant les oiseaux d’eau au saturnisme. Rapport MEDD, 20p
(9) Facteurs environnementaux et fertilité – Chapitre 3 Environnement et infertilité : état des lieux épidémiologique et des connaissances – Docteurs V. BIED DAMON et P. MIRAKIAN – MSD – http://www.fiv-lyon.fr/static/documents/Brochure_environment_et_fertilite.pdf
(10) https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/environnement-chasse-chasseurs-utilisent-munions-plomb-101
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