en Bretagne, le 29 août 2014

Monsieur le Maire de Maubourguet,

Suite aux événements survenus ce samedi 23 août aux arènes de Maubourguet, votre petite ville est désormais connue dans toute la France. M. le Maire, j’en félicite les aficionados qui ont levé la main sur les manifestants anti-corrida. Désormais, les spectateurs venus assister à votre novillada sont perçus par toute la France comme des brutes capables de matraquer leur prochain. Quelle surprenante image donnent-ils des aficionados !
La corrida, quel que soit l’aspect esthétique et artistique que certains puissent y trouver, reste un événement démonstrateur de beaucoup de cruauté de la part de l’Homme et très irrespectueuse de l’individu sensé mis à l’honneur ce jour, le taureau. Personnellement, petit-fils d’un grand-père venu d’Andalousie, enfant, j’ai souvent admiré le courage et l’élégance avec laquelle un torero fait “danser” le taureau autour de sa cape. Mais les artifices cruels qui l’accompagnent en font un acte que je juge profondément détestable.

J’éprouverais aujourd’hui la même admiration si le taureau était respecté. Certains diront que les taureaux sont des fauves par nature, et qu’ils méritent cette cruauté (voyez les commentaires sur les sites web de journaux du Sud-Ouest …). Je ne suis pas d’accord avec un tel jugement. Oui, ces animaux sont extrêmement puissants et capables d’une brutalité exceptionnelle. Mais il conviendrait aussi de réfléchir aux raisons de cette brutalité. Ces taureaux, une fois dans l’arène, sont face à une situation inattendue et incompréhensible. L’agressivité de l’animal est une réponse aux sollicitations de l’Homme. Il convient aussi de souligner que le taureau n’est pas animé de cruauté. Une telle puissance animée de cruauté aurait un comportement certainement incontrôlable, tant par les toreros que par les picadors. Oui, il s’agit d’un animal extrêmement puissant capable d’extra-ordinaires élans d’agressivité et d’une brutalité démesurée mais l’animal n’est pas guidé par un instinct de cruauté. Souvent, face à une situation inattendue, il est en mode défense et sa seule arme de défense, toute retraite impossible, est l’attaque. Enfin, il me semble tout aussi important de rappeler que ces taureaux sont tels que les Hommes les ont sélectionnés au fil des générations. Leur puissance et leur brutalité sont le fruit d’une
sélection orchestrée par l’Homme.
Plus justement, les aficionados nous parlent de mise en valeur de la force du taureau, de la bravoure des toreros et de cette fierté qui leur permet de garder la tête froide face à un animal de 500 kg qui leur fonce dessus. Mais alors, je leur lance un défi : gagner dignement cette fierté, mettre en valeur le taureau dans le respect de celui-ci. Je vous lance le défi, M. le Maire de Maubourguet, de l’engagement que les fêtes communales de votre ville s’animeront par le futur de novilladas sans picador, sans banderille et sans mise à mort, de novilladas dont le taureau ressortira non blessé. Cela se voit déjà par ailleurs. Cela pourrait donner une autre image des novilladas. Cette forme de novilladas ne pourrait-elle pas devenir une référence,
sinon LA référence ?
La “course camarguaise” ou “course à la cocarde” est un bel exemple d’animation avec des taureaux où la confrontation entre l’homme et le taureau se fait dans le respect de l’être
vivant que l’on souhaite mettre à l’honneur, le taureau. La “course camarguaise” oppose les hommes à des animaux qui ont l’habitude des arènes, qui y sont préparés. Ces animaux sont préservés et considérés comme des sportifs que l’on prépare à l’événement et que l’on souhaite récupérer dans les meilleures conditions à l’issue de la confrontation. Certains aficionados des corridas méprisent la “course camarguaise” et leurs taureaux qui sont en fait castrés. Mais ceux-ci ignorent que le taureau camarguais, même castré, reste un animal vif et sportif par la légèreté.
Alors, pourquoi pas une évolution profonde des règles des novilladas ou corridas vers une activité qui met à l’honneur le taureau tout en le préservant comme le fait la course camarguaise. Si les taureaux de plus de 4 ans sont trop dangereux pour être menés à l’arène
sans l’intervention de picadors, alors, contentons-nous de taureaux de moins de 4 ans. Et offrons à ces mêmes taureaux une vie de reproducteur à partir du moment où ils deviennent trop dangereux pour être mis à l’arène. Du moins, ceci jusqu’à retrouver des taureaux plus stables et moins abrutis par la sélection menée par l’Homme, jusqu’à trouver la bonne façon de préparer en intelligence les taureaux de demain.
Breton d’adoption, j’ai le privilège de découvrir une région où la tradition est vivante. Les traditions peuvent être préservées mais elles doivent alors être préservées en cohérence. Rien n’interdit l’évolution des traditions par suppression de leurs aspects négatifs. En Bretagne, la tradition vit, la tradition évolue. Dans toutes les régions du monde, les traditions ont des aspects positifs et des aspects négatifs. Alors réfléchissons et reconstruisons nos traditions par évolutions positives de nos héritages. Les Férias du Sud-Ouest sont connues à travers toute la France comme des événements à deux facettes : d’une part, un élan extraordinaire d’échange
et de partage … des valeurs que l’on se doit de préserver dans notre monde moderne où l’individualisme et l’égocentrisme prennent, malheureusement, une place toujours plus grande ;
et d’autre part, une exceptionnelle démonstration de la bêtise humaine, la cruauté de l’Homme dans les arènes, les trop nombreuses beuveries des nuits de fêtes … Alors, les Férias, ne
nécessitent-elles pas d’évoluer pour une tradition plus cohérente ???

Je veux bien vous céder, M. le Maire, que la beauté du geste du torero muni de sa seule cape fait partie intègre des fêtes de Maubourguet. Mais croyez-vous, M. le Maire, que la cruauté
et la bestialité humaine soient si indispensables à la réussite des fêtes de Maubourguet ?

Avec, Monsieur le Maire, tout le respect que je vous dois,
Eric, habitant en Bretagne, natif du Béarn et adhérant Animal Cross à la recherche de compromis au service d’un bien-être communautaire, ce dernier ne pouvant être la somme de
bien-être individuels.