Durant la saison de chasse, chaque semaine voit son lot d’accidents, allant de simples problématiques rencontrées par les promeneurs (détonations, vue d’hommes en armes, proximité d’impacts de balles…), aux tirs dans le pied ou dans un membre. Quelle est la nature des traumatismes médicaux générés par ces événements violents ?
Les traumatismes causés par la chasse
Le problème n’est pas marginal. Depuis 2 000, on compte 376 décès causés par la chasse.
Les victimes sont le plus souvent de simples promeneurs, vététistes, voire des usagers de la route, qui ne sont pas du tout préparés à être confrontés à une situation de « guerre ». Quelles sont les conséquences sur leur santé physique et sur leur psychisme ?
Traumatismes physiques
Les armes à feu provoquent des traumatismes physiques plus ou moins importants en fonction de l’arme, des cartouches utilisées et de la distance du tir¹.
Une balle de grand gibier est constituée de deux parties : une partie antérieure qui se fragmente et une partie postérieure qui traverse le corps.
Elle fait plus de dégâts qu’un projectile d’arme de guerre, en associant le champignonnage (écrasement du projectile) à la fragmentation, véritable polycriblage interne augmentant le risque d’atteinte d’un organe vital2.
Quand la balle pénètre dans le corps, elle provoque bien sûr un trou d’entrée et souvent un important orifice de sortie. Puis, selon la profondeur de pénétration, elle peut engendrer des lésions vasculaires et/ou nerveuses, et des réactions inflammatoires délétères liées aux tissus brûlés.
Dans le corps humain, selon la trajectoire de la balle, les blessures et les réactions sont plus ou moins invalidantes.
En fonction de leur souplesse, les muscles, les aponévroses*, la peau et les vaisseaux peuvent se déformer partiellement et absorber une partie de l’énergie de la balle.
Chaque tissu mou de l’organisme – c’est-à-dire les tissus non osseux et non composés d’épithélium (revêtement externe ou interne de tout organe) constituant les vaisseaux, le système nerveux périphérique, la graisse, le tissu fibreux et les muscles – a un coefficient
d’élasticité qui lui est propre. Certains tissus peu élastiques ont une tolérance très restreinte ou nulle :
il s’agit du foie, de la rate, des organes creux en état de réplétion** (estomac, vessie, utérus…). Si un de ces organes est touché, le pronostic vital est engagé.
Quel que soit son type, si la balle touche une structure essentielle de l’organisme, comme un gros vaisseau, le cœur, ou une région cérébrale stratégique, la vie de la victime est menacée.
A contrario, les os sont des structures dures et rigides ; par conséquent, toute l’énergie traumatique est brutalement transférée à l’os et peut provoquer, par éclatement de l’os, des lésions dans les parties molles (muscles, aponévroses, nerfs, vaisseaux, et organes adjacents).
Après rencontre avec l’os, les lésions tissulaires peuvent être aggravées par déstabilisation précoce ou par fragmentation des projectiles.
En outre, des fragments osseux peuvent se mélanger à des fragments de la balle qui vont constituer des éclats secondaires responsables chacun d’un trajet lésionnel.
Les conséquences lésionnelles dans le corps provoquent des atteintes hémorragiques de 4 ordres :
– problème ischémique (arrêt de la circulation locale provoquant une absence d’oxygénation des tissus) :
le délai de revascularisation va avoir un impact sur la suite des soins. Il va s’ensuivre une souffrance tissulaire qui va évoluer en 2 stades : l’ischémie-souffrance réversible et l’ischémie-lésion irréversible (au-delà de 6 heures, nécrose et mort tissulaire),
– syndrome de revascularisation avec des conséquences locales (œdème du membre, responsable d’un véritable « garrot » interne) et générales (anurie réversible en général en 3 à 4 semaines),
– risque infectieux majeur, lié au projectile, aux corps étrangers, aux tissus dévitalisés, et aux débris telluriques,
– risque de gangrène gazeuse qui existe même avec une prise en charge rapide d’antibiothérapie adaptée.
Traumatismes psychiques
On retrouve dans ces traumatismes des troubles de l’humeur, une anxiété pathologique, un syndrome dépressif réactionnel et un syndrome de stress post-traumatique.
Parmi les symptômes les plus fréquemment cités par le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), on peut nommer :
– l’intrusion : les souvenirs viennent hanter le sujet sous forme de flashbacks ou de cauchemars,
– l’évitement : le sujet évite les situations qui pourraient lui rappeler l’événement, ce qui peut créer une insensibilité émotive, une perte d’intérêt ou encore une perte de mémoire,
– l’hyperstimulation : le sujet est en état d’hyper-vigilance qui l’empêche de mener à bien ses activités.
En outre, le syndrome post-traumatique affecte la victime dans sa vie quotidienne pendant des mois, voire pendant des années après l’accident de chasse.
Bien que nos remarques soient tirées d’études sur l’homme, on peut penser que des blessures identiques infligées à un animal ont les mêmes conséquences.
Alors imaginez la souffrance d’un animal blessé par balle qui agonise parfois pendant des jours avant de mourir… Bien sûr, aucune étude n’a été réalisée sur ces sujets, ni par les chasseurs, ni par les organismes cynégétiques !
Sources
(1) Blessure par projectile d’arme à feu, documents de médecine légale, 2010 (https://medecinelegale.wordpress.com/2010/09/06/
blessure-par-projectile-darme-a-feu/)
(2) Les plaies vasculaires par arme à feu. Notions fondamentales et principes thérapeutiques (http://www.chups.jussieu.fr/polys/dus/
duchirurgievasculaire/plaiesvasculairespararmeafeudonneesfondamentalesetprincipestherapeutiques/plaiesvasculairespararmeafeudonneesfondamentalesetprincipestherapeutiques.pdf). Vincent Duverger, 2005.
* Aponévrose : membranes fibreuses qui enveloppent un muscle
** Réplétion : état d’un organe creux rempli
La chasse blesse et tue !
Le bilan de la saison 2018-2019, publié par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), a fait apparaître un nombre total d’accidents de 131, en forte hausse par rapport aux 113 cas enregistrés la saison précédente.
7 personnes sont mortes, contre 13 l’année précédente.
Durant la saison 2019-2020, le nombre total d’accidents de chasse s’est élevé à 132 dont 49 non chasseurs, et 12 morts (Source Passe la patte). La méthode de calcul de Passe la patte est cependant différente et ne compte pas seulement les victimes humaines. Voir notre article à ce sujet.