Deux départements viennent d’autoriser, à titre d’expérimentation, la capture d’alouettes (1) à l’aide de pantes et de matoles : 2000 dans les Pyrénées Atlantiques, et dans les Landes, respectivement 15000 à l’aide de pantes et 1000 à l’aide de matoles.

Pantes et matoles font partie des moyens de chasse traditionnelle âprement défendus par les chasseurs du Sud-Ouest. La pante est un système à deux grands filets qui s’abattent sur les alouettes attirées par des « appelants «, des alouettes captives, tandis que la matole est une petite cage qui tombe sur les oiseaux convoités.

Depuis 2021, année au cours de laquelle le conseil d’Etat a déclaré illégales ces deux techniques de piégeage, les fédérations de chasse ne décolèrent pas, et ont multiplié les manifestations dans tout le sud-ouest de la France, allant même jusqu’à exercer un chantage dans les Pyrénées Atlantiques en menaçant de ne plus participer aux actions de piégeage urbain de sangliers.

Les chasseurs voudraient faire croire que ce type de piégeage n’est plus pratiqué que par quelques anciens dans des campagnes reculées : il n’en est rien, voici dix ans le dernier inventaire sérieux (2) faisait état de 288 000 alouettes ainsi capturées, sur un total annuel d’environ 468 000, ce qui est loin d’être négligeable (3). D’autant plus que les alouettes ont perdu 35% de leurs effectifs reproducteurs en 15 ans en France (4), et que leur statut de conservation est défavorable aux niveaux européen et français.

L’un des avantages de l’expérimentation est qu’elle est discrète, ne nécessite pas de consultation auprès du public. C’est également un projet éligible aux subventions de l’OFB, au titre du fonds biodiversité (abondé indirectement par le contribuable), sans que nous ne sachions en l’espèce si les fédérations de chasse en ont bénéficié.

Etant donné que le Conseil d’Etat s’est appuyé dans ses décisions sur la sélectivité insuffisante des captures et sur le fait que les oiseaux relâchés pouvaient avoir des séquelles (ce qui est proscrit par la directive européenne « Oiseaux «), c’est sur ces deux points que travaillent les fédérations de chasse du sud-ouest de la France. La première campagne d’expérimentations, celle de 2023, a été retoquée par le Conseil d’Etat au motif qu’elle s’appuyait sur des effectifs capturés insuffisants. Qu’à cela ne tienne, les chasseurs ont relancé leur projet en 2024, et cette fois de façon massive avec un total de 18 000 alouettes.

Ces expérimentations ont pris la forme d’arrêtés préfectoraux, qui y présentent une procédure de capture et de relâcher, à la fois scientifique et encadrée. En réalité, c’est la DDT, réputée proche et peu hostile au monde cynégétique, qui est censée déclencher des « contrôles inopinés «. Les associations de protection de la nature ne sont pas dupes de ce procédé, et certaines telles la LPO et OneVoice ont déjà lancé des recours.

Cette manipulation, qui s’appuie sur les services de l’Etat pour faire perdurer des pratiques irrespectueuses du statut actuel des alouettes, et qui invoque des raisons de soi-disant « recherche et enseignement«, visant essentiellement à contourner le droit, ne fait pas l’honneur du pays.

 

(1) Recueils d’actes administratifs 40-2024-253, 40-2024-253 et 64-2024-318

(2) Rapport ONCFS (devenu OFB) : https://professionnels.ofb.fr/sites/default/files/pdf/RevueFS/FauneSauvage315_2017_complet.pdf

(3) Depuis lors, les quotas définis dans les arrêtés préfectoraux, puis querellés par les associations, ont baissé

(4) Etude CNRS/MNHN : Le printemps 2018 s’annonce silencieux dans les campagnes françaises