Le 20 juin dernier, l’association Animal Cross devait accueillir en urgence 40 chiens gravement maltraités (voir notre article du juin). Leur état physique était très mauvais mais le pire se situe dans les conséquences sur leur comportement. Pour aider les familles d’accueil, l’association a fait appel à une comportementaliste spécialisée en rééducation canine, Jennifer Métreau. Elle nous raconte.

Le constat comportemental suite à la saisie

“Tous les chiens présentent une peur irrationnelle de l’humain, à se débattre, s’étouffer, se jeter au sol et s’enfuir s’ils n’étaient pas sécurisés en laisse. Ils refusent toute proposition alimentaire, préférant mettre de la distance et se cacher dans des lieux étroits. La plupart tente de repousser toute personne même de dos, y compris les personnes les accueillants par des grognements d’avertissement, voire des morsures en certaines circonstances.
On retrouve chez beaucoup une intensité de peur encore plus forte vis à vis des hommes, compatible avec un contact inexistant avec les hommes ou des expériences très négatives au point de ne pas les différencier les uns des autres.
Les chiens se cachent sous les meubles, sous des buissons lorsqu’ils le peuvent et n’en sortent jamais d’eux même tant qu’une présence humaine se trouve dans un rayon de 30 mètres, même pour s’alimenter.
Ce trouble sévère complique également toutes les manipulations nécessaires par les équipes vétérinaires ou les soins quotidiens par les familles accueillantes.”

 

La vie en famille d’accueil pas toujours facile

“Le trouble des chiens affecte les rapports sociaux/familiaux des familles d’accueil et pose problème dès qu’une nouvelle personne surgit.
Les familles doivent, par précautions, garder le contrôle absolu des chiens et être très vigilantes lors des visites pour éviter les morsures de certains chiens n’ayant pas encore retrouvé un équilibre.
Les chiens sont dans l’incapacité d’organiser un comportement social hiérarchisé et de se fier à un être de confiance de façon équilibrée.

Chez les Border collie, les Kelpies ainsi que le type Labrit, le phénomène est encore plus sévère du fait de la sensibilité naturelle de ces races sélectionnées génétiquement pour leurs aptitudes à être proche de l’humain et à collaborer avec celui ci.
Les familles d’accueil mentionnent toutes des carences qui vont de la crainte légère à la peur sévère, avec une prédation redirigée sur objets et êtres vivants en mouvement, engendrant des accidents plus ou moins graves (vélos, véhicules, piétons, animaux, etc…), des difficultés d’apprentissages, des TOC, des morsures.

Chez les chiens moins sensibles, tels que les Bouviers australiens, les Kangals, les conséquences sont plus souvent de la réactivité par sur-protection. Ces races étant plus solides sur le plan psychologique, elles se réadaptent plus facilement avec les comportements adaptés, des besoins comblés et un travail quotidien.

Les chiens craignent de façon irrationnelle tous les bruits courants de la vie des humains, ce qui correspond de toute évidence à une privation sensorielle sévère que l’on peut retrouver chez des chiens élevés en milieu très pauvre en stimulation, à l’isolement, sans sorties éducatives dans des lieux stimulés comme devraient l’être tous les chiots avant leur 3 mois. Beaucoup gémissent la nuit dans leur phase de relâchement, s’urinent parfois dessus. Un chien sans repos est également un chien plus nerveux, plus sensible, moins concentré.
Beaucoup de chiens sont en anxiété sévère à l’arrivée de la nuit et ont de grosses difficultés à gérer leur stress dans les environnements plus grands.

La plupart ont dû reprendre des apprentissages de propreté, ne faisant pas la différence entre leur lieu de couchage et l’extérieur, ce qui correspond à des chiens n’ayant pas eu d’autres solutions que de faire dans leur lieu de couchage, donc forcément dans des espaces très restreints sur de trop longues durées.”

 

Une remise en confiance longue, qui nécessite beaucoup de patience

Les familles travaillent aujourd’hui sur la remise en confiance. Heureusement, nous avons régulièrement de bonnes nouvelles d’animaux qui se baladent, jouent ou se baignent avec leur nouvelle famille ! “Une fois cette étape passée, explique Jennifer, la majorité des chiens déclencheront de l’hyper-attachement avec anxiété de séparation ou de la sur-protection par peur de perdre ce qu’ils auraient toujours dû avoir de façon équilibrée en tant qu’animaux sociaux amenés à vivre dans un monde d’humains.”
Tous ces chiens vont devoir suivre un parcours de rééducation allant de 3 mois à un an et demi pour les plus marqués à raison d’un travail quotidien pour les familles.

Nous remercions sincèrement les familles d’accueil pour leur investissement, ainsi que Jennifer, la comportementaliste qui accompagne ces chiens. De notre côté, nous continuons à assurer les soins vétérinaires et de délivrer des croquettes aux familles d’accueil qui le souhaitent.

 

L’adoption des chiens encore inenvisageable

L’adoption des chiens n’est pas encore possible car ils n’appartiennent pas encore à l’association. Nous attendons le procès qui devrait avoir lieu en novembre 2024. Nous vous tiendrons bien sûr informés.

 

 

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