Alors que vient de s’ouvrir le Salon de l’agriculture, onze ONG de protection animale interpellent dans une tribune au « Monde » le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, afin qu’il apporte son soutien à l’élimination progressive d’une des pires pratiques d’élevage.
Nos organisations de protection des animaux sont très préoccupées par l’état actuel de l’élevage des animaux dans notre pays. En France, d’après les chiffres compilés par l’ONG Compassion in World Farming (CIWF) sur la base des données de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 80 % des animaux d’élevage sont issus de systèmes intensifs – sans accès extérieur, pour partie en cage, soumis à des densités extrêmes, une génétique tournée vers la productivité et des mutilations systématiques pour adapter les animaux à un environnement appauvri.
La révision en cours de la législation européenne sur le bien-être des animaux offre une occasion unique de relever sensiblement le niveau de protection des animaux destinés à l’alimentation, conformément aux attentes des citoyens, et d’atteindre les objectifs fixés par la Commission européenne en faveur d’un système alimentaire durable et résilient.
L’une des pires pratiques d’élevage qui doivent être abordées dans ce processus est l’élevage en cage, qui confine des centaines de millions d’animaux à travers l’Union européenne (UE) dans des environnements avec peu ou pas d’espace pour se déplacer.
Poules, truies, lapins, veaux, canards, oies et cailles sont maintenus en cage dans toute l’UE, une partie voire la totalité de leur vie. Cela les empêche d’adopter des comportements qui leur sont naturels et compromet gravement leur santé et leur bien-être. Il s’agit d’une façon dépassée et cruelle de garder des êtres sensibles et une transition vers l’élevage sans cage doit être une priorité pour la France !
Contraire aux dernières avancées scientifiques
Nos organisations interpellent le ministre de l’agriculture Marc Fesneau et lui demandent instamment d’apporter son soutien total à l’élimination progressive de cette pratique horrible qu’est l’élevage en cage. La Commission européenne envisageant actuellement la faisabilité de l’entrée en vigueur de cette mesure pour 2027, nous encourageons le ministre de l’agriculture à demander à son tour que l’interdiction des cages entre bien en vigueur en 2027. Si la France et l’Union européenne veulent revendiquer le titre de leader mondial en matière de bien-être animal, c’est une étape nécessaire que nous ne devons pas craindre de franchir.
Selon la Commission européenne, la législation sur le bien-être animal n’est plus adaptée
Les citoyens européens ont manifesté à plusieurs reprises leur préoccupation pour le bien-être des animaux et leurs attentes en matière de renforcement des règles de protection. Environ 1,4 million de citoyens européens ont signé l’initiative citoyenne européenne (ICE) « Une nouvelle ère sans cage », demandant l’interdiction des cages pour tous les animaux d’élevage.
En 2022, les demandes du public en faveur de normes élevées en matière de bien-être animal et d’une évolution vers une agriculture durable ont été recommandées lors de la conférence sur l’avenir de l’Europe, une plate-forme dirigée par des citoyens et destinée à partager des idées et à formuler des propositions à l’intention des principaux organes de l’UE.
L’élevage en cage ignore les besoins comportementaux et physiologiques cruciaux des animaux et il est contraire aux dernières avancées scientifiques. Ainsi, l’Autorité européenne de sécurité des aliments [en anglais European Food Safety Authority/EFSA] a publié le 21 février deux avis scientifiques qui condamnent clairement les cages : « Pour améliorer le bien-être des poules pondeuses et des poulets de chair dans les exploitations d’élevage, les scientifiques de l’EFSA recommandent d’éviter l’utilisation de cages. »
Des alternatives déjà en place
Nous demandons à M. Fesneau de soutenir une harmonisation européenne pour l’interdiction des cages à 2027. Des alternatives aux cages qui offrent plus d’espace aux animaux sont déjà en place en France et en Europe, et utilisées depuis des décennies. Cela prouve que les systèmes alternatifs aux cages non seulement garantissent de meilleurs niveaux de bien-être et de santé aux animaux, mais sont également viables pour les entreprises.
Sortir des cages, c’est préparer notre agriculture aux attentes des consommateurs du futur et donc garantir le futur de notre agriculture et celui de nos éleveurs. Retarder la fin des cages, c’est condamner les éleveurs français. Une harmonisation européenne à 2027 permet d’éviter les distorsions de concurrence au sein de l’UE et de rapidement protéger l’Europe des importations moins-disantes. Par conséquent, il n’y a aucune raison et aucune justification pour retarder inutilement l’inévitable – le changement doit se produire dès que possible, et la France doit y participer.
Alors que le ministre a parcouru les allées du Salon de l’agriculture, vitrine de l’élevage français qui se garde de mettre en avant la partie immergée de l’iceberg des 300 millions d’animaux élevés en cage en Europe, Marc Fesneau va-t-il annoncer un réel accompagnement de la transition de l’élevage et soutenir une harmonisation par le haut à l’échelle européenne ?
Listes des signataires : Muriel Arnal, présidente fondatrice de One Voice ; Christine Grandjean, présidente de C’est Assez ! ; Reha Hutin, présidente de la Fondation 30 Millions d’amis ; Marie-Laure Laprade, présidente de l’association Education éthique animale (EEA) ; Christophe Marie, directeur adjoint de la Fondation Brigitte-Bardot ; Manuel Mersch, président de l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) ; Yvan Savy, directeur de Compassion In World Farming (CIWF) France ; Louis Schweitzer, président de La Fondation droit animal, éthique et sciences (LFDA) ; Claire Starozinski, présidente de l’Alliance anticorrida ; Benoît Thomé, président de l’association Animal Cross ; Ghislain Zuccolo, directeur général de Welfarm.