Suite à la publication du rapport de l’IPBES en mai 2019, E. Macron avait annoncé sa volonté de porter à 30 %, dont un tiers en protection forte, la part de nos aires marines et terrestres protégées (AMP), d’ici 2022. Afin d’atteindre cet objectif, le ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES) a réuni la semaine dernière à Biarritz lors d’un colloque participatif l’ensemble des acteurs pour élaborer la nouvelle stratégie nationale des aires protégées terrestres et marines 2020-2030. Animal Cross y était ! État, gestionnaires d’aires marines protégées, socioprofessionnels, scientifiques, associations ont travaillé durant trois jours pour définir la nouvelle stratégie à mener pour la période 2020-2030.
Rappelons qu’ une aire marine protégée (AMP) a pour objectif de conserver la biodiversité marine et que c’est l’Agence française pour la biodiversité (AFB) qui est chargée de l’appui à la création et à la gestion des aires marines protégées, quelque soit leur type.
En 2019, la France protège-t-elle ses mers ?
Grâce à ses territoires d’Outre-Mer, la France possède le 2e plus grand espace maritime au monde, ce qui engage d’autant sa responsabilité. Et les eaux marines d’outre mer représentent 97% des eaux marines françaises. Elle héberge ainsi 10% des récifs coralliens, 20% des atolls, 6% des monts sous-marins. Ces milieux sont d’une grande richesse biologique.
En 2015, la stratégie nationale de création et de gestion des aires marines protégées (SNCGAMP) avait défini pour objectif d’atteindre 20% de couverture de la zone économique exclusive d’ici 2020. Le bilan 2019 démontre que les Aires Marines Protégées (AMP) couvrent 22,75% des eaux ultra-marines françaises.
On aurait vite fait de se féliciter, puisque l’objectif de 20% est dépassé…. avant d’analyser la répartition et la qualité de ces protections réelles !
En effet, sur 546 AMP françaises, 365 sont métropolitaines et couvrent 45,15% des eaux métropolitaines. Les AMP d’outre-mer, elles, ne couvrent que 22% des eaux ultra-marines françaises, et leur répartition est très hétérogène : certaines zones sont en insuffisance de couverture (Guadeloupe, Réunion, Polynésie française, Guyane française), et d’autres ne disposent d’aucune protection (Wallis et Futuna).
Au titre du code de l’environnement (article L334-1), la France dispose de neuf catégories d’aires marines protégées, qui répondent chacune à des objectifs propres tout en étant complémentaires. Il s’agit :
- des parcs nationaux*,
- des parcs naturels régionaux*,
- des réserves naturelles*,
- des aires de protection de biotope*,
- des sites Natura 2000*,
- des parties du domaine public maritime confiées au Conservatoire du littoral,
- des parcs naturels marins,
- des zones de conservation halieutiques,
- des réserves nationales de chasse et de faune sauvage ayant une partie maritime.
Une protection de très faible qualité (1)
Les zones de Protection Forte (ZPF), espaces naturels dont les enjeux écologiques sont durablement soustraits aux principales pressions engendrées par les activités humaines, et notamment la pêche, ne couvrent que 1,5% des eaux maritimes françaises. Et leur définition est sujette à interprétations puisqu’elle ne sont pas toutes de protection intégrale (sans pêche). Il s’agit des Réserves naturelles (RN), des coeurs de Parcs natonaux (PN) et des aires de protection du biotope.
Leur couverture est très variable selon les façades maritimes. La quasi-totalité de ces zones de protection forte sont ultra-marines et se concentrent sur seulement 4 AMP ultra-marines. Leur superficie est majoritairement très restreinte (inférieures à 5 km²). Leur répartition est principalement côtière, et ne représente pas la diversité des écosystèmes.
De plus, force est de constater que les moyens humains et financiers alloués aux AMP sont cruellement insuffisants. Par exemple, on compte seulement 90 agents AFB de proximité en Outre-Mer pour gérer l’ensemble des Parcs naturels marins.
Les aires marines partiellement protégées sont-elles efficaces pour protéger la biodiversité ?
Les aires marines intégralement (sans pêche) et hautement protégées (nombre limité d’engins de pêche à faible impact) sont les seules qui soient véritablement efficaces (2).
Les réserves marines sans pêche sont un refuge pour la faune marine et préservent les traits de vie des populations et les communautés de poissons et d’autres taxons marins assurant ainsi la préservation de la structure de l’habitat, parmi lesquelles on trouve une fraction des grandes espèces. Et plus la réserve est grande, plus son influence aux alentours est élevée. Ces réserves préservent les systèmes dans leur intégralité.
Comparées aux zones non protégées (2) :
- les aires hautement et modérément protégées présentent une abondance trois fois supérieure et une biomasse de poisson trois à quatre fois supérieure ;
- en revanche, l’abondance et la biomasse des poissons dans les aires faiblement protégées ne différent pas de celles des zones environnantes non protégées.
Les aires marines intégralement et hautement protégées profitent également aux zones de proximité. L’abondance et la biomasse des poissons sont en moyenne 1,6 et 2,1 fois plus élevées dans les aires adjacentes à une aire intégralement protégée (2).
Cap vers le Congrès mondial de la nature de l’UICN en juin 2020 à Marseille
Après consultation des instances, la version finalisée de la stratégie nationale de création d’AMP 2020-2030 sera présentée officiellement par le Ministère au prochain Congrès mondial de la nature de l’UICN en juin prochain à Marseille.
Faisons entendre notre voix ! L’avenir de la vie marine en dépend !
Notre demande :
- Atteindre une couverture des AMP de 30% des eaux marines à échéance de 2030, par écosystème, et par territoire,
- Intégrer à l’intérieur de celles-ci une superficie de 10 % en Réserve Naturelle Intégrale, sans pêche ni activités récréatives.
- Entourer ces Réserves Naturelles Intégrales par des zones périphériques de protection autorisant les activités récréatives sans prélèvement
SIGNER LA PETITION
(1) Bilan remis au Colloque et réalisé par le Bureau d’Etude ACTéon
(2) Zupan et al 2018b – Frontiers in Ecology and the Environment