La préfecture de Haute-Savoie vient de lancer une consultation publique relative à un projet d’arrêté autorisant, en zone coeur du massif du Bargy, la capture, l’euthanasie de bouquetins séropositifs et l’abattage d’un certain nombre de bouquetins non testés.

Dans le cadre de la deuxième partie de la demande, les individus ne seraient pas capturés en vue d’être testés, mais abattus à distance, puis feraient l’objet d’un contrôle sanitaire post-mortem.

Animal Cross, tout comme un ensemble d’associations dont la FRAPNA et l’ASPAS, est fermement opposée à ce nouvel abattage. L’acharnement du préfet Pierre Lambert, tout comme son prédécesseur, à en finir avec la population de bouquetins du Bargy ne peut s’expliquer que par les pressions habituellement exercées par les syndicats agricoles locaux et nationaux.
En effet, comme le montrent les travaux de l’ANSES, de l’ONCFS et des laboratoires vétérinaires depuis 6 ans:
  • les abattages incriminés sont totalement contre-productifs, car ils déstructurent les hardes,  multiplient les accès à la reproduction, et ainsi accroissent la contamination,
  • Les scientifiques soulignent unanimement que le risque de contamination d’autres espèces est extrêmement faible,
  • La responsabilité des bouquetins dans le cas de brucellose survenu voici 19 ans, n’est pas du tout établie
  • Les mesures de sécurisation des alpages n’ont pas du tout été prises

Nous publions ci-dessous l’argumentaire complet adressé au préfet, et nous vous invitons d’ores et déjà à signifier votre opposition à ce nouvel abattage ici:

http://www.haute-savoie.gouv.fr/Politiques-publiques/Environnement-risques-naturels-et-technologiques/Droit-a-l-information-sur-l-environnement/Consultations-2018/Bouquetins-Bargy-capture-euthanasie-bouquetins-seropositifs-en-vue-constitution-d-un-noyau-sain

Votre message est à adresser à : ddt-consultations-publiques@haute-savoie.gouv.fr  ,

 

Réponse d’Animal Cross associée à 8 autres associations :

 

Avec l’objet:                                  “Bouquetins du Bargy – Consultation du 14 mai 2018”

Le 20 mai 2018
Objet : Bouquetins du Bargy – Consultation publique : capture, euthanasie de bouquetins séropositifs en vue de la constitution d’un noyau sain et abattage d’un certain nombre de bouquetins non testés

Madame, Monsieur,
Une demande a été adressée par la préfecture de Haute-Savoie au ministre chargé de l’Écologie en vue d’obtenir une dérogation pour la capture par télé-anesthésie et l’euthanasie éventuelle de spécimens de Bouquetins des Alpes dans le massif du Bargy, ainsi que pour le prélèvement, c’est-à- dire l’abattage, d’un certain nombre de bouquetins dans la zone cœur du massif.
La deuxième partie de cette demande porte sur l’abattage d’un maximum de 20 individus d’ici à la fin 2018. Dans le cadre de ces opérations, les individus ne seront pas capturés en vue d’être testés, mais abattus à distance puis feront l’objet d’un contrôle sanitaire post-mortem.
Le comité permanent du CNPN a émis un avis positif le 21 septembre 2017. Nous confirmons ici de la manière la plus ferme possible ce que nous avions dit lors de la précédente consultation en octobre 2017, à savoir que nous sommes en désaccord avec le contenu de cet avis pour la partie portant sur l’abattage d’individus non testés.
En conséquence, nous marquons également notre désaccord avec la formulation du projet d’arrêté préfectoral tel qu’il est soumis au public à compter du 14 mai 2018 sur une période de 21 jours, pour cette partie également.
Lors du comité de pilotage que monsieur le préfet a organisé le 5 mars dernier, nous avons pu prendre connaissance des dernières avancées en matière de suivi populationnel et épidémiologique, de spatialisation des hardes, de mouvements inter-secteurs et inter-massifs, de test d’innocuité vaccinale. Grâce aux travaux de l’ANSES, de l’ONCFS, des laboratoires vétérinaires, et d’autres, nous en savons certainement plus aujourd’hui sur ce “cas Bargy” que sur aucun autre cas d’épizootie brucellique affectant l’espèce Bouquetin des Alpes. Parmi les avancées et enseignements majeurs documentés depuis maintenant six ans, nous en retenons plusieurs qui fondent nos prises de position :
✓ La démonstration de l’efficacité d’un test de dépistage brucellique in situ ;
✓ La mise en évidence d’une spatialisation des hardes, notamment pour les femelles et les cabris, conduisant à des écarts de prévalence entre secteurs géographiques, à savoir de l’ordre d’une dizaine de pourcents dans les zones périphériques contre 28% en moyenne dans le cœur de massif ;
✓ La reconnaissance par l’ONCFS d’un recul de l’épizootie sur le massif, ces écarts étant beaucoup plus faibles qu’indiqué précédemment par les pouvoirs publics, puisqu’en deux ans, pour les animaux non marqués, la prévalence sur le cœur de massif serait passée de 70 à 40% ;
✓ La bonne connaissance du niveau de population, à savoir environ 306 individus selon les derniers comptages de l’ONCFS, hors cabris de l’année 2018 ;
✓ L’affirmation de la réduction drastique du volume du foyer infectieux, du fait de l’abattage à ce jour d’environ 460 bouquetins sur les 600 et quelques que comptait le massif au début des opérations ;
✓ La reconnaissance très claire de l’inefficacité – voire du caractère absolument contreproductif – des abattages indiscriminés, lesquels déstructurent les hardes en donnant accès à la reproduction, avec des risques de contamination croisée, à un plus grand nombre d’individus ;
✓ Pour la première fois, l’indication que certains individus testés séronégatifs, et donc marqués, seraient porteurs d’un gène de résistance à la brucellose ;
✓ L’affirmation scientifique unanime d’un risque extrêmement faible de contamination interspécifique par l’agent bactérien ;
✓ L’évaluation par l’ANSES de différents scénarios et des probabilités, pour chacun d’entre eux, de conduire à une résorption, voire une éradication à terme de l’épizootie ;
✓ L’occurrence d’un seul cas en 19 ans, cas dont l’origine est d’ailleurs scientifiquement incertaine, avec une équiprobabilité qu’il s’agisse d’une infection congénitale bovine ou bien d’une contamination par un bouquetin via un animal tiers ;
✓ Et enfin l’absence d’urgence à agir, la démarche à conduire devant être constituée d’une combinaison de mesures mises en œuvre sur plusieurs années (> 5 ans).
Prenant en compte l’ensemble de ces éléments, nous sommes fondés à affirmer qu’il est tout à fait possible et souhaitable que les animaux sains soient préservés. Possible car les effectifs concernés ont été considérablement réduits par les mesures prises jusqu’ici, et du fait des avancées dans les connaissances scientifiques, populationnelles et épidémiologiques. Souhaitable car ce “cas Bargy” constitue un apprentissage collectif de lutte contre une zoonose qui pourrait fort bien, ce que nous ne souhaitons pas bien entendu, se produire sur un autre massif. Souhaitable car nous sommes capables, collectivement, d’aboutir à une “sortie par le haut” dans une affaire dont la gestion initiale peut faire l’objet de critiques fondées.
Par ailleurs, des faits nouveaux viennent contredire certaines prises de position publiques concernant l’allocation de ressources à la capture de bouquetins plutôt qu’à leur abattage. Nous demandons depuis plusieurs années que des moyens supplémentaires soient affectés à la capture de bouquetins sur le massif du Bargy. Il nous est régulièrement répondu que ce n’est pas possible. Comment expliquer alors que dans son arrêté n° DDT-2018-760 du 27 mars 2018, soit trois semaines après la réunion du comité de pilotage, le préfet de Haute-Savoie habilite 17 personnes de divers organismes distincts de l’ONCFS pour procéder à la capture par télé-anesthésie de 45 bouquetins dans les réserves voisines des Contamines et de Sixt-Fer-à-Cheval, dans la cadre du projet Alcotra ? Une partie de ces ressources pourrait très bien être affectée à la capture d’animaux sur le massif du Bargy.
Nous ajouterons ici que l’abattage d’une vingtaine d’individus sur le cœur de massif ne constitue en aucune manière une démarche scientifique. En effet, dans une population où près des deux tiers des individus sont sains, selon que les agents de l’ONCFS finiraient par abattre une majorité d’individus séropositifs – ou pas – les conclusions qui en seraient tirées pour la suite des opérations et le sort de la population restante seraient entachées de biais inacceptables. Comme nous l’avons déjà déclaré
lors de la précédente consultation en octobre 2017, la vérification de la prévalence dans le cœur du massif doit selon nous être basée uniquement sur des captures à effectuer au printemps 2018, et éventuellement à l’automne.
En outre, une saisine interministérielle est en cours d’instruction par l’ANSES et nous souhaitons disposer d’un éclairage des experts sur la combinaison de mesures incluant la vaccination des individus séronégatifs.
Mise à part cette partie de la demande portant sur l’abattage d’animaux non testés, nous marquons notre accord avec les autres mesures de gestions proposées dans le projet d’arrêté. Nous proposons à nouveau ci-après quelques pistes complémentaires susceptibles d’en renforcer l’efficacité :
✓ Porter une meilleure attention à la mise en œuvre effective des mesures de biosécurité : comme nous l’avons encore observé le samedi 14 octobre 2017 lors de notre dernier comptage, les troupeaux de caprins et d’ovins sont libres de parcourir l’ensemble des
alpages jusqu’aux sommets du massif, occupant ainsi les mêmes territoires que les bouquetins. Nous voyons là une prise de risque endossée par les éleveurs, alors qu’il serait au contraire nécessaire d’organiser une certaine ségrégation temporelle et spatiale des espaces alloués aux différentes espèces.
✓ Dans le même esprit, et puisque le truchement d’un canidé a été invoqué en tant que cause de la contamination de l’exploitation bovine du Chinaillon, interdire toute divagation de chiens sur le massif et imposer a minima qu’ils soient tenus en laisse : qu’il s’agisse des chiens de randonneurs ou de familles, ou encore de ceux des chasseurs, nombreux sont les canidés parcourant sans contrainte les espaces supposés contaminés par la brucellose.
✓ Développer les initiatives pédagogiques en vue de mieux faire connaitre les différents aspects de la vie sur le massif du Bargy. Au lieu d’opposer les différents acteurs du massif du Bargy, nous avons là un cas d’interaction homme-nature qui pourrait donner lieu à des conférences, des panneaux pédagogiques, des parcours accompagnés ou encore de nouveaux sujets de recherche (représentations sociétales, services écosystémiques, résolution des conflits d’usage…). Nous pourrions nous associer à ces initiatives.
✓ Enfin, comme nous l’avons demandé pour le massif voisin des Aravis, réfléchir à un classement du massif du Bargy, espace remarquable de notre territoire où cohabitent des activités humaines intimement liées à la montagne et des espèces emblématiques comme le gypaète et les bouquetins. Et dans un premier temps, faire en sorte que le périmètre NATURA 2000 couvrant le massif du Bargy reprenne vie et se dote d’un plan de gestion pluriannuel dont il a bien besoin.

Nous vous prions d’accepter, Madame, Monsieur, nos respectueuses salutations.
Le président de la LPO – Allain BOUGRAIN DUBOURG
Le président de FNE – Michel DUBROMEL
La Directrice de l’ASPAS – Madline REYNAUD
Le président de Humanité et Biodiversité – Bernard CHEVASSUS-AU-LOUIS
La présidente du WWF France – Isabelle AUTISSIER
Le président de la FRAPNA Région – Eric FERAILLE
Le président de Mountain Wilderness – Frédi MEIGNAN
La présidente de One Voice – Muriel ARNAL
Le président d’Animal Cross – Benoît THOMÉ