Le médecin remplace la jambe du riche blanc amputé par celle d’un noir

Des moines rachètent des esclaves

Nous voilà à Valladolid, flânant au cœur du quartier historique quand nous apercevons l’église St Paul. Notre brochure touristique nous indique qu’elle a été inaugurée par le cardinal Torquemada, alors à la tête de l’Inquisition espagnole.
A côté, le musée de la sculpture expose des œuvres d’art de la même période. Dans une toile, on peut y voir des moines racheter des esclaves. On y aperçoit aussi un riche blanc amputé de la jambe, greffé avec la jambe d’un noir, coupée à cet effet.
Pas très loin, le musée Colomb rappelle les 4 premiers voyages de Christophe Colomb à la découverte du nouveau monde. Les espagnols, débarqués sur les îles des Caraïbes, disposaient d’une puissance technologique sans commune mesure avec les populations locales. Ils maîtrisaient le fer et les armes à feu et abusèrent de cette puissance pour conquérir l’Amérique latine, qualifiée de « terra nullius », terre qui n’appartient à personne : ils n’avaient alors qu’à se servir. Plus tard, en 1550 eut lieu la « controverse de Valladolid » où les parties s’affrontèrent pour savoir si les espagnols pouvaient se fonder sur un « droit de conquête » pour dominer et convertir par force les populations indigènes.

De l’histoire espagnole à la protection animale

Nos contemporains dénonceraient sans doute dans une belle unanimité les condamnations de l’inquisition, la traite des esclaves, la domination des nobles, l’appétit de conquête dévastateur des conquistadors, l’errance du jugement conduisant à nier la qualité d’homme à un homme différent.

Le parallèle entre les violences de l’époque et celles que subissent aujourd’hui les animaux nous est apparu comme très intéressant.

Sans aucune forme de procès, même pas ceux de l’Inquisition, les animaux innocents sont amenés à l’abattoir dans une nombre qui dépasse l’imagination : quelque 950 millions rien que pour la France par an, sans compter les poissons qui pourraient être de 800 millions à 2,3 milliards (source LFDA). Les animaux n’ont pas de droit. Soumis au régime des biens, ils sont l’objet de négoce entre leurs propriétaires, comme l’étaient les esclaves sur les marchés. La recherche animale utilise le « modèle animal » pour simuler le modèle humain comme le riche remplaçait son bras par le bras d’un autre homme.  La puissance technologique de l’homme permet de dominer la nature et les animaux, plus encore que celle des espagnols et portugais face aux populations d’Amérique du XVIème siècle. L’homme accorde le droit de vivre ou de mourir aux animaux sauvages, comme le faisaient les conquistadors avec les populations locales. Les espaces naturels ne sont pas d’abord les habitats des animaux, ils sont des aires de développement économique, de récréation ou de régénération de l’être humain. Les espaces sauvages sont souvent compris comme des « terra nullius », des espaces sans habitants, et les animaux sauvages ont une qualité de « res nullius », objet sans maître, comme la nouvelle Amérique apparaissait comme une terre n’appartenant à personne, une « terra nullius ». La qualité d’être sensible est péniblement accordée à l’animal sans qu’en soient tirées les conséquences sur le statut de l’animal qui reste soumis au régime des biens. La controverse de la personnalité juridique animale bat son plein comme le faisait en son temps la controverse de Valladolid. La question « L’animal est-il une personne ? » résonne comme il y a 500 ans  « L’Indien d’Amérique était-il un « esclave naturel » ? ».

Deux périodes très différentes qui semblent si éloignées quoiqu’en enjambant les siècles, et les mêmes questions se posent.

Espérons ainsi que la réflexion historique de nos contemporains sur les errements du passé leur permette de dénoncer les mécanismes de domination et d’injustice dont sont victimes les individus vulnérables et sentients que sont les animaux aujourd’hui.