La brucellose bovine

Depuis 2013, plus de 480 bouquetins qui ont été éliminés dans le massif du Bargy, en Haute-Savoie. En cause : un foyer de brucellose bovine, une maladie notamment contagieuse entre troupeaux de vaches et bouquetins. Dernièrement, un éleveur laitier de Saint-Laurent (74) a vu ses 224 vaches se faire abattre, contre son gré, sans contrôle sanitaire préalable. 

Il y aurait 4% de bouquetins porteurs de la brucellose en zone cœur du massif (et donc beaucoup moins sur l’ensemble du massif), ce qui peut créer un risque de contamination pour l’élevage bovin local. Les éleveurs, fromagers fermiers et fromagers industriels craignent ainsi de perdre le caractère « exempt de brucellose » de toute la région (la carte « AOP Reblochon » couvre une bonne partie du département).

UN combat de longue haleine pour une juste méthode d’éradication de la maladie

Le tribunal administratif de Grenoble, dans son ordonnance du 20 août 2020, a donné raison à l’association Animal Cross contre l’arrêté préfectoral du 29 mai 2020 (qui ordonnait l’abattage indiscriminé de 60 bouquetins). En effet, la dérogation à la protection d’espèces protégées n’est possible que « s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante ».

Or, l’abattage indiscriminé (de tous les individus, mêmes non malades), solution de facilité, est à chaque fois désiré par la Préfecture. Pourtant, d’autres solutions plus justes et sensées sont décrites dans différents rapports du CNPN depuis 2013.

Lors de cette dernière affaire (voir bouton en bas de page) où la Préfecture de Haute-Savoie veut à nouveau faire abattre des bouquetins du Bargy sans les tester préalablement, le Préfet n’a absolument pas tenu compte de l’avis 100% défavorable du CNPN (ce qui est rare !) et fait lancer la consultation publique réglementaire de 21 jours sur son projet d’arrêté d’abattage sans contrôle sanitaire préalable d’un grand nombre de bouquetins

Le CNPN insiste une nouvelle fois sur la demande exprimée dans ses précédents avis, de recherche de mesures alternatives visant la conduite des troupeaux en vue d’une plus-value de biosécurité. Cette modalité pourtant présentée comme vectrice d’une forte amélioration de la probabilité de contrôle du foyer quel que soit le scénario (cf. saisine ANSES 2014-SA-0218) n’a jamais été soumise comme mesure complémentaire à évaluer dans les saisines ultérieures et n’est pas documentée dans les bilans sur les mesures sanitaires de maîtrise du foyer.

Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN)

Animal Cross avait réussi à faire suspendre l’AP de 2020 à cause de ce déficit de mesures. L’audience au fond a été repoussée au 3 mars. Nous ne savons pas encore si le juge sera sensible à cette lacune.

Les évaluations de 2015 et 2021 de l’ANSES offraient pourtant l’opportunité d’appliquer les mesures raisonnées qui y sont proposées. Le taux de prévalence des bouquetins infectés atteignant environ 4% dans le cœur du massif a été divisé par 10 en 5 ans, et est estimé à 0% en zones périphériques.
L’avis du CNPN qui refuse l’abattage sans contrôle sanitaire préalable mentionne “qu’abattre 170 individus non marqués signifie que l’on va abattre en zone périphérique essentiellement des animaux sains, et en zone cœur, 90 % d’animaux sains“. Et que “la probabilité d’avoir un succès d’assainissement avec cette mesure est inférieure à 1 chance sur 2, et que cela consisterait donc un pari sans aucune possibilité de savoir ce qu’il se passe après.

LA COHABITATION FAUNE SAUVAGE ET ÉLEVAGE bovin n’est pas utopique

Vous l’aurez compris, le but est d’éviter l’abattage des bouquetins non testés séropositifs. Pour cela, l’idée est en résumé de :

  • Réaliser des contrôles périodiques réguliers sur les troupeaux domestiques (et placentas après les naissances), sur le lait et sur les fromages à base de lait cru ;
  • Appliquer une ségrégation spatiale entre animaux domestiques et faune sauvage pour éviter les contaminations (très rares) inter-espèces, ce qui a été maintes fois recommandé par l’ANSES ;
  • Continuer un suivi des bouquetins par des observations visuelles de signes cliniques, mais aussi par des tests indirects de séropositivité, pour évaluer l’impact de l’arrêt des abattages sur la santé de la population de bouquetins ;
  • Demander à l’ANSES une nouvelle étude sur la stratégie vaccinale, même si cette situation du Bargy est unique en France.

Ces solutions n’apparaissent pas plus coûteuse pour l’Etat que l’abattage sans contrôle sanitaire préalable. Elles évitent aussi la mobilisation massive d’agents sur un terrain difficile d’accès, et les risques encourus, ainsi que le transport très onéreux et complexe des carcasses.

Ce conflit de cohabitation, au-delà de l’aspect pratique, fait donc également appel à notre éthique. Abattre des animaux de façon indiscriminée est-il sensé alors que des solutions sélectives ou non létales sont possibles ?